Eden Hill .
« Nous étions perdues. Enfin, moi, surtout. On ne distinguait plus rien, tellement il faisait noir. Un noir total. Qu’allaient t-ils nous faire ? Nous asphyxier en propageant certains gaz toxiques dans la pièce ? Ce n’était même pas une pièce, peut être une cellule, comme en prison. Il n’y avait même pas de barreaux, juste une porte en acier et quatre murs de pierre. Nous étions perdues.
Pauvre Katie.
Elle était trop jeune pour finir ainsi, j’ai été imprudente. Complètement imprudente. Je me disais bien que ce rituel finirait par mal tourner; je n’avais pas mesuré le risque qu’il représentait. Quelle idiotie. J’avais toujours mon canif dans la poche, je n’osais même plus le toucher, d’ailleurs, j’ai essayé en vain de faire partir le sang de Katie de la lame, mais il reste toujours une tache que je n’arrive pas à enlever. Comme par hasard.
Pauvre Katie.
Je la vois encore trembler sur le tabouret, hurler à la première ligne rouge vif tracée dans sa chair, hurler au contact de son propre sang coulant sur sa peau pâle. Puis j’enfonçai tant bien que mal mon couteau, essayant tout de même de faire ce que j’avais a faire, mais, j’essayais quand même de ne pas la faire trop souffrir. Mais elle continue de crier, et ce sont ces mêmes cris qui résonnent encore dans ma tête, sans que je parvienne a les chasser.
C’était involontaire, totalement involontaire.
Et c’est cela que Violet m’a également assuré, c’était un accident. Mais je n’arrive pas a m’hotter de l’esprit que tout est de ma faute, pourtant, c’était involontaire. Oh, Eden, qu’as-tu fait ?
Je tremblais. Je revois Katie vaciller sur sa chaise, en sueur; elle a mal. Je continuai de faire couler son sang, je devais arrêter. Mais je ne pouvais pas. Puis le moment fatal: Katie se redresse, brusquement, et fait un mouvement en arrière, le couteau se plantant entre les côtes de sa cage thoracique, puis continuant son chemin vers le cœur. Je revois ma main maculée de sang. Katie tombe a terre. Je ne sais pas quoi faire, tout le monde est horrifié.
Pauvre Katie.
Puis les autres nettoient le sang qui recouvrent la peau de Katie, mais il est trop tard. Le personnel de l’orphelinat arrive pour le couvre feu, et remarquent le cadavre de la petite fille.
La main de Violet glisse sur mon épaule, puis elle entreprends de me serrer contre elle.
-Violet…
Ses lèvres se posent sur mon cou.
-Violet…
Je me fige, je ne sais plus ce dont j’ai envie. Ce n’est ni l’endroit, ni le moment. Les lèvres de la jeune fille embrassèrent ma nuque et remontent vers mon menton, je m’écarte. Je n’ose pas m’imaginer son visage en cet instant, ce serait trop dur. Violet essaie de me remonter le moral comme elle peut, je sais ce dont elle a envie, je sais qu’elle éprouve du désir pour moi. Je ne sais pas ce que je veux. J’aurais voulu qu’elle ne me rencontre jamais, me laissant me morfondre dans ma solitude. J’aurais voulu rester cette espèce d’asociale que personne n’ose froisser et que tout le monde admire sans savoir ce qu’elle est. Pourtant, je n’ai jamais réussi a cacher mon affection pour Violet, et tel est mon problème.
Elle avance a nouveau vers moi, et approche une main hésitante de mon visage. Combien de temps puis-je résister a ça ?
-S’il te plait, Violet…la suppliais-je.
Elle approche son visage du mien. J’ai envie de réduire a néant la distance qui sépare nos lèvres, mais je ne veux pas le reconnaître. Stop. Je me relève et vais m’asseoir dans le coin opposé de celui où je me trouve, me prenant les pieds dans les corps des autres filles allongées, à l’occasion.
Nous sommes quelque part, dans les sous sols d’un village pommé en Arizona, enfermées par les tarés qui tiennent l’orphelinat quand ils ont découvert ce que la petite Katie avait subi. »
Journal intime de Aisha Hopkins.
« Nous ne pouvions pas dénoncer Eden, après ce qu’elle a fait pour nous. Et pourtant, je suis certaine qu’elle éprouvait de la culpabilité pour ce qu’elle avait fait, surtout que c’était un peu de sa faute a elle si nous sommes toutes dans cette situation. Enfin, de toutes façons c’est trop tard. Lorsqu’ils sont venus nous poser des questions, elle s’est dénoncée et ils l’ont emmenée. Que faire ? Si seulement j’avais une réponse… »
« Ils sont revenus, une heure après avoir emmené Eden. Nous ne savions pas ce qui lui était arrivé, mais vu ce qui c’est passé pour une fille qui a tenté de forcer le passage… Nous n’avions pas osé tenter quoi que ce soit. Donc après, ils ont appelé Violet. Elle pleurait. Puis, ils l’ont emmenée aussi, de la même façon qu’Eden. Pourquoi ? Voilà encore une question dont je n’ai pas la réponse, je n’y comprends rien du tout. »
« Nous avons dormi dans cette « cellule » toute la nuit, enfin, quand je dis dormi, c’est assez mal formulé, en fait, nous avons plutôt « passé la nuit » ici. C’était impossible de dormir. Déjà, nous stressions en pensant à ce qui allait nous arriver, et puis, Eden hurlait. Elle devait avoir ses raisons, elle ne bronchait jamais, alors pourquoi irait t-elle crier pour n’importe quelle petite raison ? La battent t-ils ? Oh, pauvre Eden, si seulement nous pouvions l’aider… »
« Les cris ont cessé quelques heures après ce qui devait être le matin. Je crois réellement qu’Eden a réussi à s’en sortir. C’est une brave fille, elle a pourtant dû endurer toutes sortes de choses que nous ignorons. Mais, la possibilité qu’elle soit morte n’est également pas écartable. J’espère en tous cas qu’elle a pu s’enfuir, je sais désormais qu’elle ne peut plus rien pour nous. »
Une jeune fille marche sur la route, sous le soleil étouffant du midi. Ses habits sont déchirés a certains endroits. Elle a l’air fatiguée. Et pourtant, elle reprends sa marche.
Eden .
« Violet… Si seulement nous avions eu plus de temps… Pourquoi a-t-il fallu que je te rencontre ? Tu aurais pu avoir une belle vie, je n’aurais pas affecté celle-ci… Je n’aurais jamais pensé que ça finirait comme ça, ce n’étais pas possible. Je pleure, et ne cherche même plus a essuyer les larmes qui humidifient mon visage. On ne devrait pas avoir le droit de détruire psychologiquement un humain comme ça, je crois même que l’on en a pas le droit. Si seulement ils pouvaient souffrir autant qu’ils m’ont fait souffrir… »
Quelques heures avant;
« -Ed…en.
Violet respire a petit coups, elle passe sa main dans mes cheveux, puis la baisse en remarquant que ses muscles ne peuvent pas supporter un tel effort. Mes larmes tombent sur le corps de Violet, que puis-je pour elle ? Est-elle réellement perdue ? Je persiste a croire que non. Je n’y ai pas été fort, pourtant. On m’a obligée a passer mon couteau entre ses côtes comme je l’ai fait pour Katie, j’ai essayé de résister, mais on m’a fouettée, frappée de partout. Si jamais cela n’avait tenu qu’a ça, j’aurais même pu mourir, si on avait épargné Violet, mais ils ont mis la lame dans mes mains, ont tué une fille de l’orphelinat devant mes yeux, et ont menacé de faire la même chose, et puis… Malgré mes résistances, ils ont prit ma main et l’ont forcée a guider le couteau vers le corps de Violet, l’entailler. Elle va mourir, c’est une certitude. Mais je ne veux pas y penser. Est-ce vraiment moi qui l’ai tuée ? Le fait que le couteau ai été dans ma main faisait t-elle le meurtre ? Sûrement pas… C’est pourtant de ma faute qu’elle soit en train de mourir, c’est moi qui aurait dû faire plus attention avec Katie. Comment ont-ils su ce que Violet représentais a mes yeux ? Comment… Je devrais faire taire la voix de ma conscience. Qu’est-ce que Violet aurait voulu, en cet instant, quelles auraient été ses dernières volontés ? Je ne le sais que trop bien. J’approchais lentement mon visage de celui de Violet, et pose mes lèvres sur les siennes. Elle réagit, c’est d’ailleurs tout ce qu’elle peut faire, et m’embrasse a son tour. Puis elle mourut. Je relève la tête et caresse la joue de son corps inerte. La porte s’ouvre sur une des personnes responsables de ce massacre, je m’y étais préparée, j’attrape mon couteau et saute sur elle, le plantant en plein dans la gorge. La voie est libre. »
Cabane perdue; Arizona.
« Cela doit bien faire quatre ans que j’ai trouvé refuge ici, lorsque j’ai débarqué, seule, assoiffée & affamée, une vieille dame m’a accueillie dans son modeste habitat, perdu au fin fond d’une forêt d’Arizona. Oh, bien sur, ce n’est pas de tout repos, elle est… étrange. En fait, elle prends des cachets pour lutter contre sa schizophrénie, sinon, elle devient bizarre, elle tombe dans une espèce de transe et puis, je l’ai déjà vue approcher de moi avec un fusil de chasse - non chargé - à la main, puis me menaçant, enfin, bref, c’est une pauvre femme, il ne faut pas s’en faire pour elle, surtout qu’elle a la bienveillance de me loger chez elle. D’ailleurs, nous avons conclu un marché qui me plait bien: Je ne lui dis rien sur moi, et elle ne me dis rien sur elle. Comme ça, nous vivons tranquillement en essayant d’oublier nos malheurs. »
« C’est un matin
comme les autres; je vais me préparer le petit déjeuner, les croissants sont déjà à table, ainsi que d’autres viennoiseries: La vieille femme qui me loge à pris la peine d’aller en chercher en ville, elle a dût déjà partir à son épicerie.
Comme tous les jours. Je m’assis sur ma chaise, elle n’est plus vraiment très stable, je me servis un verre de jus d’orange, - j’ai besoin de quelque chose de frais, le matin - et mordis dans un pain au chocolat, lorsque je le finis, je lavai mon verre, nettoyai la table, puis, allai me laver.
Comme d’habitude. Puis je sortis de la douche, m’habillai, et, après avoir lassé mes chaussures et hissé mon sac sur mon épaule, je sortis… Et poussais un hurlement déchirant. »
Dialogue entre Harriet Julia Herman & une cliente - Épicerie.
« - Et voilà vos 10 dollars !
Mme Travis avança une main tremblante vers le billet que lui tendait l’épicière, puis le prit et le remit dans son porte monnaie.
-Merci… Elle sourit. Comment allez vous ? Votre cas s’est t-il arrangé où votre psychologue persiste a vous faire prendre ces cachets ?
-Ma foi, non, malheureusement. Lui répondit Mme Herman. D’ailleurs, je les oublie souvent, ces cachets, heureusement que la petite Eden me rappelle de les prendre, une brave petite…
-Tiens, d’ailleurs, qu’en est il de cette chère Eden ?
Mme Herman eut un sourire las.
-Oh, elle est partie hier matin. Lorsque je suis sortie pour aller travailler, elle dormait encore, mais il y avait 3 cadavres devant chez moi, deux filles assez jeunes et un homme d’âge mur.
Mme Travis parut horrifiée.
-Et puis, le soir… reprit t-elle. Envolée. Personne dans la maison, disparue. Ses affaires aussi, elle a dût partir. Je m’y attendais, ne connaissant rien de son passé… Ah, ses jeunes, ils ne tiennent pas en place !
- Ça… Enfin, bon, au revoir, bonne journée Mme Herman ! »
Sur la route, une jeune fille marche, fuyant son passé. Elle modifie la trajectoire de ses pas et les guide vers la forêt qui longe la route, l’expression indéchiffrable.